Comment la RSE s’est imposée dans l’attribution des marchés ?

Si les TPE/PME ne sont pas – encore – soumises à des obligations de conformité quant à l’instauration d’initiatives RSE, elles ont cependant tout intérêt à faire valoir leur démarche responsable, si elles souhaitent rester dans la course et continuer à se voir attribuer des marchés, qu’ils proviennent de leurs donneurs d’ordre traditionnels ou qu’il s’agisse de marchés publics. En effet, dans une économie de plus en plus interdépendante où chaque entreprise constitue un maillon de la chaîne de valeur, et où la prise en compte des critères ESG dans l’attribution de marchés publics est en passe d’être normalisé, faire l’impasse sur une démarche RSE peut être lourd de conséquence et entraîner de lourds manques à gagner, au mieux, et mener à la disqualification totale en tant que partenaire commercial, au pire.

Critères ESG et marchés publics

En effet, tant à l’échelle des marchés publics qu’à celle des donneurs privés, le critère prix n’est plus le seul critère de choix, et nombreuses sont les entreprises répondantes à s’être fait damer le pion par des concurrentes plus avancées en matière de critères, qui, en prenant le virage stratégique de la RSE, ont su conserver, voire conquérir de nouveaux marchés. Les critères ESG (environnementaux, sociaux, et de gouvernance) ont fait leur apparition dans le code des marchés publics en 2007 grâce au Plan National d’Action pour des Achats Publics Durables, permettant à tous les organismes d’Etat et aux collectivités d’inclure des clauses RSE dans leurs appels d’offre. Cette politique a connu une nouvelle étape avec la réforme du droit de la commande publique intervenue en avril 2016. Aujourd’hui, elles font partie des critères d’attribution à hauteur de 10% des marchés publics comportant de telles clauses, elles auraient augmenté de plus de 200% en seulement deux ans ! Néanmoins, si la prise en compte des critère ESG par les marchés publics est un bon levier de sensibilisation des PME aux enjeux environnementaux, les collectivités publiques sont elles aussi invitées à revisiter leurs pratiques, notamment en ce qui concerne les délais de paiement.

Un nouvel équilibre entre donneurs d’ordre et fournisseurs

La mise en œuvre d’une démarche RSE par une entreprise implique, dans un souci de cohérence, qu’elle exige de ses fournisseurs les valeurs responsables qu’elle prône. Cet état de fait se traduit par un mécanisme en cascade, irradiant l’ensemble de la chaîne de valeur et tend à convertir à terme toutes les PME, qui constituent pour chacune d’entre elles un maillon de la chaîne, qu’elles soient fournisseurs, donneurs d’ordre, ou parfois les deux. Par ailleurs, avec la nouvelle loi sur le devoir de vigilance (loi n°2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre), les sociétés auront la responsabilité de s’assurer que leurs sous-traitants respectent les droits fondamentaux, les incitant de fait à adopter des pratiques d’affaires plus responsables. s

Incitées par les pouvoirs publics dans le cadre du décret du 26 avril 2012 à intégrer dans leur rapport annuel les informations relatives à la prise en compte de la RSE de leurs sous-traitants, les PME donneurs d’ordre sont de plus en plus regardantes sur les valeurs et actions de leurs sous-traitants, conscientes de l’enjeu stratégique que représente un fournisseur aligné sur les mêmes valeurs. Cette vigilance se manifeste sous plusieurs formes : réalisation d’audits sociaux et environnementaux, obligation pour le fournisseur de répondre à un questionnaire RSE pour être sélectionné parmi les répondants, voire insertion de clauses générales d’achat portant sur la RSE et pouvant mener jusqu’à la résiliation unilatérale des partis en cas de manquement.

Au-delà de la transmission par ricochets des pratiques responsables entre donneurs d’ordre et fournisseurs, dus à la prise en compte des critères sociaux et environnementaux dans l’attribution de marchés, c’est toute la relation donneurs d’ordre/fournisseurs qui est aujourd’hui amenée à être redéfinie : en effet, les grandes entreprises, conscientes des risques liés à une fragilisation de leur chaîne de valeur, remettent en question leurs propres pratiques, rééquilibrant de fait le rapport de force entre les deux parties, au profit des fournisseurs, qui, à leur tour, pourraient être amenés à noter la qualité de leur relation avec leur donneur d’ordre.

En contrepartie, répondre à un appel d’offre pour une PME peut s’avérer être aujourd’hui très contraignant, notamment en raison de la multiplicité des questions liées à leurs pratiques en matière de RSE, à laquelle s’ajoute le nombre de questionnaires à compléter. En effet, il ne s’agit pas seulement de dupliquer les réponses d’un formulaire à un autre, d’autant plus que les questions sont souvent formulées de façon très différentes d’un donneur d’ordre à un autre, et les éléments de preuve demandés peuvent se révéler difficiles à justifier. D’autant plus qu’une réponse à un tel questionnaire ne s’improvise pas, et implique d’avoir défini et structuré une démarche RSE solide en amont.

Auteur: Marie Hébras 

Loi n°2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre

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